Une collaboration de recherche européenne a démontré une nouvelle méthode de contrôle des courants de spin dans le graphène à l’aide d’une monocouche ferroélectrique de séléniure d’indium (In₂Se₃). Cette approche, validée par des principes premiers et des simulations à liaison étroite, révèle que la commutation de la polarisation de In₂Se₃ peut inverser la direction des courants de spin dans le graphène, créant ainsi un commutateur de spin électrique. Cette découverte marque une étape importante vers des dispositifs spintroniques non volatils et économes en énergie qui ne dépendent pas de champs magnétiques.
L’essor de la spintronique et le potentiel du graphène
Depuis deux décennies, la spintronique constitue une avancée majeure dans le domaine de la nanoélectronique, visant à exploiter le spin des électrons pour transporter et traiter l’information. Contrairement à l’électronique traditionnelle basée sur la charge, les systèmes basés sur la rotation promettent des réductions substantielles de la consommation d’énergie, de la dissipation thermique et des vitesses de fonctionnement plus rapides, ainsi qu’une conservation non volatile des données. Cependant, parvenir à un contrôle électrique précis et à faible énergie des courants de spin sans champs magnétiques externes reste un obstacle majeur.
La manipulation magnétique, bien qu’efficace, présente des défis en termes d’évolutivité, d’efficacité et de compatibilité avec les technologies de semi-conducteurs. Les matériaux bidimensionnels (2D), en particulier le graphène, sont apparus comme une solution potentielle. La mobilité électronique exceptionnelle du graphène et son long temps de relaxation de spin en font un candidat de choix pour la spintronique, mais son faible couplage spin-orbite limite le contrôle direct du spin.
Hétérostructures et contrôle ferroélectrique
Pour surmonter les limites du graphène, les chercheurs se sont tournés vers les hétérostructures de Van der Waals, empilant le graphène avec d’autres matériaux 2D pour induire de nouvelles fonctionnalités grâce à des effets de proximité. Le couplage du graphène avec des matériaux ferroélectriques, qui possèdent une polarisation électrique spontanée contrôlable par la tension, est particulièrement prometteur. Lorsqu’un matériau ferroélectrique entre en contact avec le graphène, son dipôle électrique brise la symétrie d’inversion à l’interface, permettant potentiellement l’orientation du spin via une commutation électrique pure.
La nouvelle recherche introduit une plate-forme d’hétérostructure graphène/In₂Se₃ où la polarisation ferroélectrique de In₂Se₃ module le couplage spin-orbite dans le graphène. Les simulations montrent que l’inversion de la polarisation inverse le signe de l’effet Rashba-Edelstein, en changeant la chiralité des textures de spin et la direction du courant de spin, le tout sans champs magnétiques et avec une consommation d’énergie minimale une fois la polarisation définie.
Principales conclusions : contrôle de rotation via la commutation ferroélectrique
L’équipe de recherche a étudié les hétérostructures graphène/In₂Se₃ dans des configurations alignées (0°) et tordues (17,5°). Des calculs détaillés de la structure électronique ont révélé que l’inversion de la polarisation ferroélectrique de In₂Se₃ inverse le coefficient de conversion charge-spin, créant ainsi un « commutateur de chiralité » électrique pour les courants de spin dans le graphène.
À torsion nulle, le système présente un effet Rashba-Edelstein (REE) conventionnel, dans lequel un courant de charge génère une accumulation de spin transversal alignée sur la polarisation ferroélectrique. À une torsion de 17,5°, le système passe à un effet Rashba-Edelstein non conventionnel (UREE), où le courant de spin devient presque colinéaire avec le flux de charge en raison d’un nouveau champ Rashba radial, auparavant inaccessible dans les systèmes de graphène planaire.
Implications pour les futurs dispositifs spintroniques
Ces résultats fournissent une base théorique pour les transistors de spin à base de graphène contrôlés par commutation ferroélectrique, permettant potentiellement la création de dispositifs de logique de spin et de mémoire de nouvelle génération à faible consommation d’énergie et à vitesse élevée. L’étude met en évidence la promesse de l’intégration de matériaux ferroélectriques 2D au graphène pour débloquer de nouvelles fonctionnalités spintroniques.
Les recherches futures devraient se concentrer sur la validation expérimentale de ces résultats afin de réaliser pleinement des dispositifs spintroniques non volatils à commande électrique. La capacité de manipuler les courants de spin sans champs magnétiques représente une étape cruciale vers des technologies spintroniques plus efficaces et évolutives.
